Nanofiction
Pour une fraction de seconde, Marie eut
l’impression qu’elle était sous surveillance : que quelqu’un l’observait
de l’extérieur. Elle tourna la tête en direction de l’entrée mais ne vit
personne. Son regard resta suspendu aux bras chargés du candélabre en verre de
Murano qui trônait sur l’accueil du palace, superposé au vide de la réception
fantomatique qui n’attendait plus aucun client. Elle n’avait pas fait attention
quand le barman avait déposé le verre de martini blanc sur le comptoir devant
elle. Elle but. Les notes de sa nocturne préférée de Chopin retentirent
doucement dans le hall. Son téléphone se mit à sonner. Elle décrocha par automatisme,
mais la voix qu’elle entendit la transporta immédiatement ailleurs, dans la
maison de son enfance, dans cette Toscane rougeâtre, champêtre et artistique où
feuilles mortes, raisins et cheveux longs, épais et virginaux font ressurgir de
l’eau beautés botticelliennes.
C’était son père.
Marie ne comprenait pas.
Elle venait juste de laisser tomber le deuil,
trois ans après sa mort.
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