Le cours d’écriture de Shirley


Exile

Venir ici. 

C'était nécessaire. Pour eux. ça ne l'était pas. pour moi. 
Ils voulaient fuir. Ils n'ont pas pu. je ne voulais rien. j'ai dû.
Passation.
Ils se sont sentis limités dans ce pays. Ils ont cru que je devais l'être aussi.
Je les imagine en parler : c'est trop tard pour nous ; elle, elle pourra ; elle, elle aura une chance.
Je veux me rapprocher des parents qu'ils étaient, de ce qu'ils ont pu penser ou ressentir par rapport à l'avenir de leur fille. 
Je ne suis pas sûre qu'il y ait eu de vraie stratégie de définie entre eux. Je ne les vois pas assis dans la cuisine en train de se dire : qu'est-ce qu'on va faire d'elle ? 
Je pense qu'ils n'avaient pas à articuler cela : une évidence : elle doit partir ; on doit tout faire pour qu'elle parte ; même quand les conditions ont changé, le passé était encore trop présent pour eux.
Notre voyage en Europe en '90 : j'essaye de recoller les morceaux. Mon père n'est plus, donc je ne peux pas l'utiliser. Seule la version de ma mère demeure. 
Moi, je ne me souviens de rien. Comme pour toute mon enfance, les souvenir sont plus comme s'ils concernaient une autre personne. Je n'ai pas d'identité enfantine. Je n'existais pas dans mon corps. J'y pense comme d'en haut, vu d'un drone piloté par quelqu'un. d'autre que moi. 
Me mère : elle dit que la question s'est posée. Elle l'a posée à nos cousins partis dans les années '70. Ils auraient dit non, pas chez nous. Ils ont eu une histoire différente de la nôtre. Ils ont fait les choses dans les règles de l'art. Ils ont demandé un visa et ils l'ont eu. Ils ont tout laissé derrière eux. Mes parents se demandaient (ou moi je me le demandais ? je ne sais pas où ils s'arrêtent eux et où je commence moi) s'ils n'avaient pas collaboré. s'ils n'avaient pas vendu quelqu'un. pour leur liberté. à eux. C'est une question légitime (est-ce une question légitime ?). Mon grand-père paternel était encore en prison en '77. Est-ce normal qu'on s'en méfie ? que JE m'en méfie ? 
Je vais chez eux parfois (pas souvent). Je ne suis pas à l'aise. D'où viennent-ils ? Quelles sont leurs racines ? En avons-nous les mêmes ? Je suis perdue. Je dois me sauver. Je ne peux pas rester chez eux. Ce n'est pas comme chez mois. Ce n'est pas chez moi. Cela ne m'empêche pas de parler de lui (mon cousin) comme si je le connaissais. Cela ne m'empêche pas de faire du name dropping au travail - rapport à notre parenté lointaine. Il est connu. Je le suis par lui. Même si je ne le connais pas. Vraiment. 
Pourquoi je suis venue ici ? Comment expliquer ça ? Comment l'expliquer par l'avant ? 
L'après est clair : mes amis sont ma famille ; j'ai des amis ici. Mon travail est ma vie ; j'ai du travail ici. 
Mais comment expliquer cette volonté de partir et puis de rester ? Qu'est-ce qu'est volonté personnelle et qu'est-ce qu'est déterminisme ? Qu'est-ce qui vient d'eux et qu'est-ce qui vient de moi ? Où s'arrêtent-t-ils et où je commence, moi ?
Je ne peux m'empêcher de voir que :
1. Leur conflit est dans leur passé. Il n'existe plus. Mon père est mort mais ma mère est libre. 
2. Leur conflit est dans mon présent : 
2.a) Dis-moi que je ne suis pas parfaite, que j'ai de mauvaises intentions, que je suis où je suis grâce à la séduction, pas à la compétence. 
2.b) Dis-moi que je dois me taire, que cette idée, cette pensée, cette façon d'être n'est pas défendable, qu'elle n'est pas juste, qu'elle n'est pas respectueuse, protectrice des faibles.
Et je t'éclate la gueule. 
Cela me pèse. Cela m'insupporte.  
C'est toujours moi la victime, encore aujourd'hui, presque 30 ans après '89. 

Où s'arrêtent-t-ils et où je commence, moi ? Et quand ?

///

Faim

Elle rentre dans le bar. Je la regarde : gros seins, pas de cellulite, grand sourire. Je lui offre un verre. Elle accepte. On parle de tout. Je lui propose de l'amener chez moi. Elle dit oui. On baise. Elle me suce. Je la lèche. Elle jouit. Je jouis. Je l'attache au lit. Je la re-lèche. Elle jouit. Je la re-baise. Elle jouit. Elle a soif. Je lui donne un verre de prossecco avec une grosse dose de somnifère. Elle boit. Je bois d'un autre verre sans somnifère. Elle s'endort. Je la découpe. Je fais un barbecue avec ses cuisses, ses seins, ses entrailles. 

J'ai bien mangé, j'ai bien bu, j'ai le ventre bien tendu.

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