Le cours d’écriture de Shirley

Un petit déjeuner surprise 

On s’est déshabillés en silence pour ne pas réveiller Martin, mais aussi parce que nous n’avions rien à nous dire.
Il n’allait pas s’excuser. Je n’allais pas le pardonner. Il n’allait pas me dire je t’aime. Je n’allais pas lui dire je sais. 
Il a essayé de me toucher (comme il savait si bien le faire au début !). Quand sa main a voulu caresser mon visage je l’ai mordu à nouveau. Il n’a pas insisté.
On s’est couchés comme tous les soirs dans le même lit sous la même couverture dos dans le dos. 
Je n’ai pas réussi à m’endormir de suite : son regard lorsqu’il m’a fait signe de m’assoir à côté de lui avec ses amis ne partait pas. Il restait là comme figé - un plan arrêté d’un film à l’ancienne où on n’avait pas peur de faire de gros plans avec des visages ; où on n’avait pas peur des silences, des émotions, de la lenteur, de la non-action. Son regard est rieur, espiègle mais bienveillant. Je pense même qu’il est amoureux. Je dis ça aujourd’hui. Cette nuit-là pour moi c’était un regard énervant, qui me défiait. Un regard insultant, hautain, dépréciatif. Je n’aimais pas la femme que je voyais dans ce regard. Donc je n’aimais pas le regard. 
Le matin j’ai été surprise de ne pas le retrouver dans le lit : c’était lui qui se réveillait le dernier généralement. Il traînait tous les jours jusque tard dans l’après-midi, quand il allait prendre son bain dans la mer puis rejoindre ses amis au camping. 
Quand je suis sortie de notre roulotte j’ai été encore plus surprise de le voir à l’ouvre pour préparer le petit déjeuner : il avait fait du café, une omelette et des pancakes. Il avait acheté du pain. Il avait mis la table. Il m’a souri avec le même regard de la veille. Que je n’aimais toujours pas.
Nous avons mangé en silence.
Je n’ai pas dit merci.
J’ai gardé la surprise de ce petit-déjeuner que pour moi. Je ne l’ai pas laissée se transformer en joie.

Vacances 

Philippe : Ils sont forts ces polonais : ils ont fait tout inscrire à l’UNESCO et ce n’est même pas d’origine, ils ont tout reconstruit. ... En plus, ils sont cons ces polonais : impossible d’en trouver un seul qui parle anglais ! .... J’avais un collègue polonais au boulot, il s’appelait Adrian. Il était lourd ! Il faisait tout le temps des blagues de cul. Heureusement que c’était il y a longtemps, avant toutes ces conneries de harcèlement sexuel. Aujourd’hui, il se serait fait virer vite fait bien fait rien que pour ses blagues. Remarque, il n’aurait pas été le seul ! ... Tu sais, ils sont nationalistes ces polonais : on dirait qu’ils ne vont que chez eux en vacances ; tout le littoral était blindé de polonais ; impossible de trouver une place tranquille pour mettre sa serviette sur la plage ! ... Et qu’est-ce qu’ils picolent ces polonais ! Il y en a un qui nous a tenu la jambe pendant deux heures pour qu’on l’aide avec sa bouteille de vodka : il était 10h du matin et le mec était déjà bourré. Impossible de s’en débarrasser : la teigne ! En plus il parlait le français : il nous a coincés ! ... Ils sont racistes aussi, hein ?! On a amené notre petite fille Clémence avec nous : la gamine de Charles notre fils aîné qu’il a adoptée en Corée du Sud. Ils la regardaient comme si elle venait d’une autre planète. Il y en a même qui nous ont demandé qu’on les prenne en photo avec elle, tu te rends compte ? Ils nous demandaient d’où elle venait : elle vient de France ducon ! Qu’est-ce que t’en penses ? On a l’air de chinois, nous ?!
Martin : Et toi Geneviève tu as passé de bonnes vacances ?
Geneviève : Je n’ai pas grande chose à dire : on était à Cracovie, puis à Sopot. Il faisait beau. Les gens sont bienveillants mais il est difficile de communiquer avec eux car ils ne parlent pas anglais. Tu sais, faut pas trop écouter Philippe : les hommes parlent beaucoup, même quand ils n’ont rien à dire.
Philippe : Et les femmes, elles ne parlent pas beaucoup peut-être ? Et même quand personne ne les écoute !
Geneviève : Pas plus que les hommes, c’est sûr !
Philippe : Heureusement que ta mère est morte, sinon je l’aurais prise comme exemple.
Geneviève : L’exemple qui confirme la règle.
Martin : Et donc, la Pologne vous conseillez ?

Philippe et Geneviève : Non.

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