Mathilde avait envie d'écrire
Regarde en bas
Dans
la rue, en bas, le monde continue de vivre. On s'arrête au feu, on
guette les voitures pour traverser, parfois on manque de peu pour se
faire écraser, on se fait bousculer et on chuchote « connard »
ou « salope », les plus courageux osent l'articuler en
hurlant, on pousse les portes des grands magasins, on en ressort
plein les mains de paquets, on se fait accoster par des vendeurs à
la sauvette, par des mendiants ou des touristes, les pique-pockets ne
sont pas loin, ils veillent sur nous, ils veillent sur tout.
Ce
bruit. Les sirènes de la police, des pompiers, des ambulances. Les
armées de fourmis. Les armées de cafards. Ce tapis vivant qui
couvre les grands boulevards. Infatigable. En mouvement perpétuel.
Sans répit.
Il
n'y a que dans moi que tout s'est arrêté de vivre, que tout est
calme. Maintenant. Et triste. Il n'y a que chez moi qu'il n'y a plus
de passage, plus de porte qui claque, plus de lit qui grince, plus de
fleurs sur la table basse du salon, plus de slip et de chaussettes
qui traînent dans la chambre, par terre, à coté du lit, plus de
poils courts et roux dans l'évier, plus de 2e robe de chambre
accrochée sur la porte de la salle de bain, à l'intérieur, plus de
2e brosse à dents, plus d'autre, plus que moi, regardant dans la
rue. De haut en bas. Plus pour longtemps.
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Lendemain
OK.
Qu'est-ce que je pourrais lui faire comme p'tit déj ? Du café,
des tartines beurre, une omelette ? Est-ce qu'on a des œufs ?
Normalement oui, j'en ai acheté l'autre jour chez Carrefour. Putain,
j'espère vraiment qu'il ne les a pas tous bouffés Pierre. Ce serait
trop abusé. Il abuse vraiment ces derniers temps. Avec son pote
Arnaud qui squatte tout le temps le canapé. Notre canapé !
Sérieux, j'ai du le virer hier soir pour que Marie puisse venir.
C'est quoi ce bordel ? C'est notre appart' ou quoi ? Et les
poils partout dans la salle de bain, et l'évier qui ne désemplit
pas, je suis le seul à faire la vaisselle ou quoi ? En plus,
les meufs, elles regardent vachement ça, toutes des maniaques de la
propreté, je suis sur qu'elle ne serait jamais restée dormir Marie
si je n'avais pas tout nettoyé et rangé à fond hier après-midi.
Mais bon, elle est restée, c'est ce qui compte. Elle est restée. Je
l'ai baisée. Elle m'a sucé. C'est vrai qu'elle la mérite cette
omelette. Les œufs donc … Trouvés. La poêle. Un peu d'huile. Un
peu de sel. Un peu de poivre. C'est parti mon kiki ! En même
temps je lance le café, le grille pain, je sors les tasses, les
assiettes, les fourchettes, les couteaux. Tout est là. Tout est bon.
Elle n'a plus qu'à sortir de la salle de bain et déguster le
petit-déjeuner maison made by Nico. En espérant que ça va la
fidéliser. Qu'elle va revenir. Au moins une fois par semaine. Pour
baiser. Pas pour la vie. Sans faire d'histoire. Sans prise de tête.
De toute façon, ce sont les meufs qui décident si c'est un plan
cul. Même si après elles changent d'avis. Too late bitch ! You
wanted it that way ! On n'est pas non plus de jouets, non ?
Faut qu'elles apprennent à se tenir ces salopes. Toutes tordues. A
te chauffer pour rien. Avec leur petits mots à la con et leur
répliques de femme fatale apprises par cœur. C'est quand même
dingue, non ? L'autre qui s'est fait une page facebook rien que
pour les mecs d'adopte ou tinder ou happn. Mais elle pense quoi la
pute ? Qu'on ne s'en rend pas compte ? Mais on n'est pas
dupe, non ?! Comment je vais lui défoncer le cul à celle-là.
Attends voir. Je vais m'occuper d'elle moi. Je vais la corriger
méchamment.
Prête,
Marie ? J'ai fait une omelette pour toi.
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