Le cours d'écriture de Marie


BUCAREST
Bonne m’as-tu été
Un large terrain de jeu que je tenais, heureuse, 
Car entourée des miens : princes et mendiants, 
Avec leurs tares, leurs phares,
Rompus nos cœurs, marchés dessus,
Etions-nous jeunes, était-elle belle, alors qu’aujourd’hui :
Serrées les dents,
Tristesse jusqu’à la moelle et liberté - crient-t-ils quand moi, froidie, perplexe, regarde au loin lointaine. 

AIMER
J’aime les violettes, ces petites fleurs fragiles qui me rappellent ce que l’on entend encore aujourd’hui par la féminité. Je repose mon cœur sur ton épaule, en espérant que tu lui accorderas asile pour qu’il reprenne son souffle. Je continue, jusqu’à la moelle, à creuser dans ce que tu appelles tes sentiments pour moi, cette infatuation que tu surnommes amour ; je vœux voir où elle va, d’où elle jaillit et jusqu’où elle pénètre. Je donne mon voile contre ta sagesse : tu me l’enlèves pour m’éclairer, tes paroles coulent le long de mon visage comme l’eau sous la douche ; j’étais déjà propre quand tu as commencé à me savonner, c’est mon odeur que tu essayes de faire partir, tu ne vois pas qu’elle ne part pas même quand tu grattes, qu’elle ne peut me quitter ? Je tiens ta voix au creux de ma paume ; on ne l’entend plus lorsque je referme le poing ; elle ressurgit lorsque je rouvre ma main ; je sais que ça ne dépend que de moi de l’entendre mais ne serait-il pas plus facile qu’elle se taise d’elle-même ? Je soutiens la verrière de notre couple pour nous protéger, tous les deux, de la pluie. 

LUCIOLE
Le camion avance. La nuit profonde l’avale. Il entrave ses entrailles. Il y a comme une petite pluie presque imperceptible. Une brume même. Elle ne se montre que dans la lumière des phares (« sous les projecteurs » ; « papillon de lumière » - des phrases qui me viennent comme ça …) ou dans l’accumulation, sur le pare-brise. Même pas besoin de mettre en marche automatique les essuie-glaces. Les activer une fois de temps en temps suffit. 
Il y a un certain tremblement inhérent à la structure d’un camion, « inscrit dans ses os » - une autre phrase qui me vient comme ça …. On ne sait plus si la grosse croix dorée, la Sainte Marie disco, les maxi dés et le sapin sent-bon suspendus au miroir rétroviseur qui trône en haut au centre se balancent d’eux-mêmes ou suivent le mouvement du camion au perpendiculaire. Toujours ce besoin de s’accrocher aux choses que l’on connaît – la physique, ou d’inventer des raisons aux choses que l’on ne connaît pas – pour s’expliquer l’incompréhensible et mettre de l’ordre dans le chaotique. 
Je suis lucide. 
Luciole. Le don des lucioles. Le nom d’une fondation luxembourgeoise. Ou d’un film d’animation japonais. Non : le tombeau des lucioles. Leur TOM-beau. J’ai connu un Tom. Il était beau. 
Le camion s’arrête. Le frein de main tiré. Des pas s’enfoncent dans de la boue. Plus près. Doucement. Lourdement. Plus près. 
La porte s’ouvre. La nuit profonde m’avale. 

CEUX QUI
Il y a ceux qui se couchent inquiets, comme ils l’ont été toute la journée, qui continuent à réfléchir dans leurs rêves, qui se réveillent pour noter deux-trois idées qu’ils ont eues pendant leur sommeil, ou alors qui se réveillent en pleine attaque de panique, les larmes aux yeux, le souffle coupé, les cris bloqués dans leur poitrine. 
Il y a ceux qui s’endorment comme des agneaux, le corps déployé sur toute la longueur du matelas, la tête sur l’épaule de leur bien aimé(e), sans peur, sans soupçon, en toute liberté.
Et puis il y a ceux qui ne dorment pas, ceux qui n’essayent même plus. Ceux qui préparent leurs livres, leurs films, leurs fichiers excel, leur café (pourquoi rester fatigué ?) et leur patience jusqu’à ce qu’ils retrouvent, in fine, à nouveau, le lendemain. 

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