Le cours d'écriture de Marie
Partage
Hier j’ai partagé avec maman qu’avec Charles, ça n’allait
plus du tout. Il ne me touche plus depuis 3 mois et j’ai trouvé un bracelet
dans la chambre qui ne m’appartient pas. Je l’ai confronté et il m’a dit que
j’étais folle, que c’était dingue que j’imagine qu’il amènerait une autre femme
chez nous, dans notre chambre à coucher, qu’il n’était pas si débile que ça,
que s’il voulait vraiment me tromper il prendrait ses précautions, il ferait ça
à l’hôtel comme tout le monde. Je lui ai rappelé qu’il était au chômage depuis
2 ans et qu’il n’avait pas de compte bancaire perso, que je verrais toute
dépense sur notre compte joint et que je découvrirais vite fait bien fait s’il
me trompait. Il m’a dit : Alors, pourquoi tu me fais chier si tu penses
tout savoir ? Tu vois bien que rien ne m’incrimine. Sauf ce
bracelet ! j’ai dit. Sauf ce
bracelet dont, je te le répète, je ne connais pas l’origine ! Peut-être
qu’il est à la femme de ménage ? Le clou de Cartier, un bracelet de plus
de 3 000 balles, t’es sérieux là ?! Il m’a dit alors : Je ne
sais pas moi. Garde le pour toi alors et sois heureuse d’être tombée dessus, tu
devrais être reconnaissante !
Maman dit que j’exagère et que j’agresse Charles sans
raison. Elle dit que c’est un garçon formidable et que j’ai bien de la chance
qu’il me supporte. Elle dit que même s’il m’avait trompée, il m’offre
réparation en me proposant de garder le bracelet.
Réparation ?! Réparation s’il te plaît ! Il ne
reconnaît pas ses torts, il me traite de
folle hystérique et je devrais reconnaître son altruisme, sa générosité, dans
ce geste de merde : Garde le bracelet et ferme ta gueule ! Il croit
quoi, qu’il va acheter mon silence ?! Je ne sais pas pourquoi il s’obstine
à ce qu’on reste ensemble. Je lui ai déjà proposé une séparation – il dit
toujours non, mais je t’aime moi, je ne veux pas te quitter. Alors si tu
m’aimes pourquoi tu ne veux plus coucher avec moi, hein ?! Pourquoi tu ne
me touches plus ? Pourquoi tu t’éloignes ? Il dit qu’il est fatigué,
stressé, que ne pas gagner un rond quand sa femme est une des meilleures
avocates du pays fragilise, infantilise, crée des complexes. Et les complexes
d’infériorité tuent l’amour, c’est bien connu. Tuent l’amour, la libido et
l’érection. Je lui ai dit : Tu sais, mon chéri, moi je ne suis pas
jalouse. Je comprends que t’aies envie de voir ailleurs. Moi aussi je trouve
d’autres mecs attirants – surtout les petits jeunes au travail, je leur
mettrais bien des fessées maternelles. Mais je veux que ce soit clair
entre nous, pas de mensonge. Moi aussi je peux être dans le partage – combien
de fois je t’ai parlé du libertinage, de mon envie d’essayer. Tu t’es dit
choqué, énervé, pris au piège, tu m’as demandé de ne plus t’en parler – contre
quoi, j’osais espérer de la fidélité. Eh bien – je n’ai pas dit tout ça à ma
mère ! – tu sais ce qu’il ma répondu ce p’tit con ? Tu es folle. Tu
as trop regardé Friends avec ton giving and sharing. C’est pas ça la vraie vie.
La vraie c’est chacun pour sa gueule, OK ? La vraie vie c’est dur. Dans la
vraie vie on est seul. Même quand on est marié.
Tu sais quoi ? Je pense que je vais demander le
divorce.
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Paris
J’ai vu les Champs Elysées
En partant de la Concorde
Tiffany au 62
Le Fouquet’s au 99
Vuitton au 101
Le Lido au 116
Mont Blanc et Cartier aux 152 et 154
Habillé par Christo en pyjama gris, de 14 millions,
L’Arc de Triomphe,
La Tour Eiffel
Entourée par 450 parois en verre pare-balle de 3 mètres de
haut et 6.5 centimètre d’épaisseur pour lui assurer une sécurité absolue contre
la menace terroriste.
Sur le Champs de Mars : les rats, toujours.
Toujours mystérieuse, la Mona Lisa veille sur le Louvre et
la Seine irisée qui dégouline de vélo enalgués. A combien de grammes ?
Sur un bateau mouche, on mange chacun une demie baguette
saucisson camembert. On boit du rouge et on s’embrasse. On sent pas qu’on pue
de la gueule. On a mis nos bérets pour l’occasion.
Les cars de la gay pride avancent quai des célestins vers la
Bastille comme un arc-en-ciel.
Paris, chez moi.
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Amour
Je t’ai dit : les yeux qui ne se voient pas s’oublient.
Je te l’ai dit en roumain, bien sûr.
En français, ça aurait été : loi des yeux, loin du
cœur.
Pas exactement la même chose je trouve.
En roumain il y a de l’action.
En français, de l’attente.
En roumain, de l’efficacité.
En français, de la poésie.
En roumain, de la violence.
En français, de l’anatomie.
Sans toi : la guerre des organes internes.
Le cœur qui se met d’un coup au Hara Kiri.
Les trippes Kamikaze.
Les glandes lacrymales noyées.
Les cordes vocales étouffées.
Les muscles paralysés.
La langue pendue.
Le foie cirrhosé.
Je pourrais continuer à l’infini.
Je pourrais trouver un cancer différent pour chaque cellule
de mon corps en pensant à la douleur de ton absence.
Ce n’est pas ce que je t’ai dit.
J’ai pensé déchirement et j’ai dit oubli.
J’ai pensé impossibilité de vivre et j’ai dit tout passe,
même l’amour.
On était dans un magasin de souvenirs et tu m’as choisi cet
œil étrange qui s’ouvre et qui se referme quand on le bouge.
Tu m’as dit : Je veux que mes yeux t’accompagnent. Je
veux être dans ta poche. Amène-moi.
Je t’ai dit : Tu me manques.
Tu m’as dit : Le manque … est réciproque. C’était ta
façon de dire Je t’aime.
On est rentrés à l’hôtel et on a fait l’amour avec rage,
puis avec peur, avec sensualité, puis avec lassitude.
Je t’ai senti colossal.
Tu m’as sentie abyssale.
On ne s’est arrêtés que pour manger.
Quand je m’endormais, tu me réveillais insomniaque. Quand tu
t’endormais, j’écrivais inquiète. Comme une certitude des dernières fois.
Je n’ai jamais vu d’homme plus beau. Davide, Michelangelo, Galleria dell Accademia,
Firenze.
Tes cuisses. Tes fesses. Ton torse. Ton dos.
Tes fesses. Ton cul. Tes fesses. Mes mains qui serrent. Ton
poids qui pousse.
Endormie dans tes bras.
Les hommes de ma vie se séparent en deux catégories :
ceux avec qui j’ai dormi enlacée et ceux – au sommeil fragile – qui s’exilaient
de leur côté du lit. Que les premiers m’ont fait jouir.
Tu disais : Je veux que tu viennes. En roumain, comme
en français, ça ne veut rien dire. I want you to come. On perd tellement avec la traduction. J’ai
toujours voulu lire Pouchkine en original :
Je t’aimais … et mon amour peut-être au fond du cœur n’est
pas encore éteint, mais je saurai n’en rien laisser paraître. … j’aurais aimé
t’aimer sans jamais rien attendre. Ah ! puisse une autre t’aimer autant.
J’ai toujours ton œil-magnet sur le frigo dans la cuisine.
On le remarque souvent, on le prend dans ses mains, on l’étudie, on le trouve
étrange, on me demande d’où il vient. Je ne dis jamais qu’on me l’a offert. Je
ne parle jamais de toi. Je n’ai dit à personne que c’est vrai : les yeux
qu’on continue à voir ne s’oublient pas.
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