Le cours d'écriture de Marie
Deux
Je voudrais qu’on soit deux, pas une, comme je suis
maintenant.
Deux cœurs, deux têtes, deux corps. Un seul amour.
Je voudrais qu’on partage de la joie, de la beauté, de l’entraide.
Parfois des deuils aussi.
Parce qu’ils font partie de la vie.
Beaucoup
Tard le soir,
Derrière les lumières du jour, vient la nuit. Les vampires.
La solitude.
Très tôt,
Quand on était gosses, ensemble on se sentait plus forts.
Même si fragiles.
Très tôt,
Les câlins manquaient. La tendresse manquait. Parfois l’argent
aussi.
Tard le soir,
Mes mains portent toujours les marques de l’enfance. Mes poings.
Mes claques.
Douceur. Dureté. Dépendance. Douleur. Diminuée. Toute
petite. Perdue.
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Si l’on parle de mecs bizarres, moi j’en ai un : Gaël, l’ami
d’enfance de mon mari.
On s’est rencontrés il y a vingt ans, quand on n’était pas
encore mariés. Les premières vacances que je passais avec les amis de
Christophe : on s’est retrouvés tous à Valence pour faire de la randonnée
dans la Drôme. A l’époque, Gaël sortait avec une irlandaise qu’il avait
rencontrée à Dublin pendant ses études. Elle l’avait suivi en France après
trois ans de relation à distance et ils venaient juste de s’installer ensemble.
Je ne l’ai jamais rencontrée, elle n’est pas venue avec nous. Je me souviens
avoir été choquée par ce que disait Gaël sur elle : il n’arrêtait pas de la
critiquer. Il disait qu’elle ne parlait pas, qu’il lui disait tout ce qui n’allait
pas dans leur relation, chez elle, pour lui, et qu’elle ne disait rien, qu’elle
ne savait pas comment communiquer. J’imaginais ses monologues et cette pauvre
fille qui avait tout quitté pour lui tétanisée face à ses reproches déguisés en
feedback « constructif ». J’avais peur pour elle. J’avais pitié d’elle.
Un mois après, elle est rentrée à Dublin. Aujourd’hui, à 45 ans, Gaël est
toujours célibataire. A mon avis, même s’il dit avoir envie d’amour, d’une
relation exclusive et fidèle, il a trop peur de l’engagement et de l’abandon.
Il est bloqué. C’est comme son envie de chanter : il a une super voix, il
adore être sur scène, mais il ne se lance pas parce qu’il a peur d’échouer. Je
comprends. C’est hyper dur à gérer tout ça. Ce n’est pas comme sa peur des araignées
où il suffit de bien nettoyer sa maison et de ne pas habiter à la campagne.
C’est dingue, chez Gaël, ces couples paradoxaux envie – peur
sont partout, il l’empêchent d’avancer et d’être heureux. Par exemple, au
boulot. Quand il a rencontré Christophe, il était comptable dans l’assurance.
Il avait arrêté ses études tôt pour gagner sa vie et être indépendant. Il avait
envie d’une belle carrière, mais il avait peur de ne pas être à la hauteur. Il
avait envie de se donner les moyens de réussir, mais il avait peur d’être
contrôlé par son père. Alors il a choisi, même en sachant que ça allait le limiter
à l’avenir. Puis il a rejoint KPMG pour faire du consulting et rattraper le
manque de formation. C’est là où il a aménagé à Lyon. Depuis, il bosse non-stop. Il
est devenu un vrai workaholic. Perfectionniste, il l’était déjà. C’est marrant,
comme nous tous, il a les qualités de ses défauts : il est rigoureux et
intelligent. Mais aussi : autocentré et égoïste.
Là où on se rejoint c’est dans le sport et le yoga : il
fait de la course à pied, comme moi, et il adore le jivamukti, comme moi. On s’est
même rendus compte qu’on avait les mêmes profs ! Je pense qu’il est ouvert
d’esprit, même si ça reste en surface, quand ça parle spiritualité il n’y a
plus personne : il n’a pas de moments extatiques de gratitude et d’amour
en courant et le yoga c’est bon pour frimer sur Instagram. Je me demande si c’est
un truc culturel cette attention pour le corps, rapport à ses origines guadeloupéennes.
Anyway, un mec bizarre en tout cas. Pas bizarre spécial,
bizarre tout à fait normal. Banal. Comme il y en a plein d’autres. Mais sympa !
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Quand il était petit, Emmanuel Macron avait un chien qui s’appelait
Carotte. C’était un golden retriever très doux, très gentil, mais un peu
débile. Il le suivait partout. Il le regardait avec des yeux de biche, comme si
c’était Dieu. L’amour inconditionnel : la base du succès. Et si derrière
tout grand homme il y avait un chien ? Très doux, très gentil, mais un peu
débile …
Brigitte se réveille angoissée : aujourd’hui c’est jour
d’élection. Manu est à nouveau président, mais sans la majorité derrière lui,
il ne pourra rien faire pendant son mandat et il reste tellement de chantiers à
mettre en œuvre : la réforme des retraites, l’actionnariat-salarié, … La France
a besoin de lui.
Oh, mais regarde le comment il dort encore comme un enfant
sans soucis ! Brigitte en oublie son angoisse. Le réveil dans les bras de
son homme est son moment préféré de la journée.
Doucement, sans faire de bruit, elle s’extrait du lit
matrimonial, met son kimono bleu en satin et va pisser. Avec l’âge, sa vessie
rétrécit. Et son addiction à la chicorée au lait n’arrange pas les choses. Si
seulement elle pouvait s’en abstenir à partir de 21h ! Mais c’est trop dur :
se mettre au lit sans une boisson chaude, sans son doudou liquide, c’est
impensable. D’ailleurs, en sortant des chiottes, c’est le premier truc qu’elle
fait : allumer la bouilloire. Elle a besoin de sa drogue pour commencer la
journée.
Cinq heures. C’est bien, elle a plein de temps pour se
préparer. Comme sa vessie, avec l’âge, ses nuits rétrécissent aussi. Ça doit faire
vingt ans qu’elle ne peut plus faire de grasse mat’ ! Vingt ans qu’elle
lit plus, qu’elle écrit plus, qu’elle prend plus de temps pour elle. Pendant
que lui dort comme un bébé. Parfois elle a l’impression qu’il sent encore le
lait. Elle adore sa peau blanche, sa petite moue contrariée quand il combat les
méchants extrémistes. Et il y en a des ennemis du peuple ! Comme elle l’admire,
son homme. Comme elle le respecte. Comme elle l’aime.
Carotte Junior Junior vient lui lécher les pieds comme tous
les matins. Quel fétichiste, ce gros chien très doux, très gentil, mais un peu
débile. Elle ouvre le frigo pour chercher le porridge qu’elle y a laissé poser
la veille. Oh, il y a encore la casserole de choux aux lardons de lundi ! Elle
aurait dû tout jeter directement ; bien sûr qu’ils n’allaient pas en
manger dans la semaine, surtout en ce moment, en campagne !
Oh, merde, il pleut ! Il va y avoir de l’abstention.
Mais qu’est-ce qu’elle va mettre comme tenue pour aller voter ? Un jean ?
Pas trop casual ?!
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Aulnay-sous-Bois (2)
Tu viens me chercher à la gare (je rentre du boulot ;
toi, tu ne travailles pas). Chez toi, je vais directement sous la douche. L’eau
est brûlante, comme tu l’aimes. Chaque millimètre de ma peau s’anime à son
contact. Une pluie chaude qui réveille en moi la vie, l’animal. Nettoyer mon
corps pour recevoir ton toucher – ma préparation favorite. J’imagine le plaisir
que ressentent les musulmans lors des ablutions : se laver pour recevoir
la parole de Dieu. Comparer cul et religion – dans un autre temps, on m’aurait brûlée
sorcière. L’hérésie m’en paraît encore plus douce. Jouir fait partie de mon
grand potentiel de révolte. Parler aussi. Ecrire.
Tu me regardes prendre ma douche. Je sens ton regard dans ma
chair comme une caresse. Nous sommes déjà en train de faire l’amour. Je sais
que tu m’aimes propre. L’ordre, la discipline, l’aseptisé t’excitent. C’est ton
côté maniaque. Ton perfectionnisme. Tu n’arrêtes pas tant que je n’ai pas joui.
Ton devoir d’homme. Le seul auquel tu excelles. Le dernier qui te reste. Ta
dignité.
Tu m’attends à la sortie de la baignoire avec une serviette
qui sent le frais, douce, enveloppante. Je me sens déjà accueillie, chez moi,
je suis arrivée, chez toi, à toi. Tout ça pour ça : tu es ma méditation,
ma relaxation, ma shavasana. Je suis ta prêtresse guerrière. Mon corps est ton
offrande. Tes caresses mon salut.
Mais avant l’amour la faim. Avant de me faire jouir tu dois
me nourrir. Tu me dis : tes yeux scintillent d’amour. Et c’est vrai. J’ai
enfilé ton jogging et ton gros pull de racaille. Porter tes fringues c’est comme
un avant-goût de me perdre dans tes bras. Je suis déjà avec toi, peau contre
peau. J’ai déjà la chair de poule, j’ai déjà tous les poils hissés, je tremble
déjà d’impatience. Je te regarde et entre mes hanches tout brûle, tout est
ouvert, tout t’attend. J’aime manger avec toi. J’aime dormir avec toi. J’aime
jouir avec toi.
Ici et maintenant, je t’aime.
Demain, on verra …
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