Le cours d'écriture de Marie
Le dernier des hommes
Motto :
Qu’il continue à m’écrire après lui avoir dit de ne plus me contacter me blesse
et me flatte. Notre société valorise l’irrespect des règles (ici :
limites). L’homme qui force est persévérant. Et la proie qu’il poursuit vaut la
peine. Comment rester saine d’esprit quand amour et haine se mélangent ?
« …
un abus où il est très difficile de qualifier l’abuseur d’agresseur parce qu’il
ne fait rien de « mal » : il profite juste d’un pouvoir qu’il a,
d’un avantage existant (une réputation, un statut, un âge avancé) sans obliger,
sans forcer. Et en même temps : la victime se sent obligée ;
forcée ; captive. Comme sur les marchés financiers, on a besoin d’une
régulation externe pour ajuster cette situation a priori déséquilibrée. »
Le mécanisme de l’abus,
Actes Sud, 2020, Cécile Mallet
Alexandre
prit une grande respiration en levant les yeux au ciel. Quand il reprit son
souffle, il plia la page qu’il venait de lire, ferma le livre, le posa sur la
table basse et se dirigea vers la baie vitrée qui donnait sur le balcon.
Soudain, il avait besoin de prendre l’air. Soudain, il avait besoin d’être
dehors. Soudain, il se sentait oppressé. Regarder le ciel bleu dégagé de tout
nuage ne l’aida pas. Il sentait toujours cette boule dans la poitrine qui
l’empêchait de respirer. Il entendait toujours les mots abuseur et agresseur
dans sa tête. Suivis par un nouvel adjectif sorti de nulle part :
« inhumain ». Très brièvement, il se rappela la joie qu’il avait pu
ressentir avec une nouvelle conquête, à chaque fois qu’il arrivait à convaincre
une fille de coucher avec lui. Le succès. La réussite. La satisfaction. La
valeur. Le bien-être. Gamin, il avait rêvé d’être un jour un Don Juan comme son
père – un homme de pouvoir, bankable, séduisant. Un homme libre qu’aucune femme
ne réussirait à renfermer dans l’univers petit-bourgeois de la famille de
classe moyenne.
Mais
à quel prix ? Jusque-là, les 6 mains courantes déposées contre lui par des
petites connes qui n’assumaient pas, au réveil, d’avoir couché avec un inconnu,
ne lui paraissaient pas grande chose. Mais ces mots : obligée, forcée,
captive, victime, commençaient à raisonner fort entre ses tempes, prenant de
plus en plus de place, faisant de plus en plus de bruit.
Chers
Camarades,
Nous
nous sommes réunis en ce jour solennel pour fêter le départ en retraite de
notre brave Camarade Polonic, après soixante ans de bons et loyaux services en
tant que Louche principale de la cuisine Dupont.
Camarade
Polonic, je vous adresse les plus chaleureux remerciements au nom de notre
cuisine-prolétariat et de notre famille dirigeante Dupont. Vos efforts
historiques et gastronomiques, ainsi que votre totale confiance et adhésion à
la politique de notre cuisine-syndicat socialiste, ont participé massivement à
élever notre humble ménage sur de nouvelles cimes de civilisation, prospérité
et progrès.
(longs
applaudissements ; on entend scander « vive Polonic ! »,
« vive le peule d’ustensiles de cuisine ! »)
La
carrière du Camarade Polonic représente une vibrante expression de la force de
notre démocratie ouvrière-révolutionnaire et de l’unité de notre peuple
d’ustensiles de cuisine qui, sous la direction de notre glorieux parti
communiste, créé en conscience l’avenir libre et prospère de la société
socialiste et communiste !
(longs
applaudissements)
Les
réalisations remarquables et l’accomplissement couronné de succès du programme
de création de la société socialiste multilatéralement développée sont le
résultat du travail enthousiaste, plein d’abnégation du Camarade Polonic en
particulier et du peule d’ustensiles de cuisine en général, qui, dans une
parfaite unité, réalise inexorablement la politique interne et externe du parti
de notre chère maison Dupont.
Camarade
Polonic, au nom de tous, merci !
Vive
la démocratie ! Vive le communisme ! Vive la France !
Pigalle,
11/02/2024, 20h05
Le
sujet, Mademoiselle Bourgeois, panthère des neiges, félin de taille moyenne
avec des pattes courtes, des pieds larges et une queue, épaisse et longue,
représentant quasiment la moitié de sa longueur totale, descend d’un VTC Uber
noir immatriculé dans le 93 devant le Moon City, sauna libertin du 34 boulevard
de Clichy, Paris 18e. Non accompagnée, Mademoiselle Bourgeois se
dirige vers l’entrée, salue avec familiarité les videurs et s’acquitte de la
taxe d’entrée de 20€ cash avant de rentrer dans le club.
Pour
la suivre à l’intérieur, je paye 168€ (tarif homme seul, facture jointe). En
échange de cette somme je reçois un bracelet assorti d’une petite enveloppe en
tissu refermable abritant 5 préservatifs taille XXL, un paréo et une clé pour
un vestiaire individuel.
Salutations
chaleureuses avec les habitués.
Mademoiselle
Bourgeois s’arrête d’abord au jacuzzi – ambiance cocooning. Première arrivée,
elle profite de ce moment calme pour se relaxer. Elle est rapidement rejointe
par un couple de pumas (mâle de 72kg et 2 mètres de longueur, queue comprise
(celle-ci représentant un tiers de la longueur totale de l’animal) et femelle
de 48kg, fine et musclée) qui l’abordent sans tarder. Rapports sexuels qui
durent environ 20 minutes.
Mademoiselle
Bourgeois quitte le jacuzzi pour rejoindre le sauna – ambiance étouffante – où
elle rentre en contact avec une chatte sauvage seule. Sa robe beige avec des
rayures foncées indique des origines asiatiques. Elle est de petite taille.
Rapports sexuels qui durent environ 20 minutes. Quelques échanges verbaux
notables (attention, langage vulgaire) : Ah, t’aimes ça, salope, et
cætera.
Prochain
arrêt : le hammam – ambiance humide. Mademoiselle Bourgeois y rencontre un
lynx seul orné de favoris, aux oreilles triangulaires surmontées d’une touffe
de poils noirs, doté d’une courte queue et de longues pattes. Rapports sexuels
qui durent environ 20 minutes.
Mademoiselle
Bourgeois quitte les lieux à 21h30 accompagnée du lynx. Retour au domicile de
Mademoiselle Bourgeois. Fin de l’observation à 21h42.
Bilan
de l’intervention :
- 168€ note de frais
- 3 rapports sexuels observés
- Durée : 1h37
- Facturation : tarif minimum de 500€ HT + remboursement de la note de frais
Fin
du rapport.
Ecriture
automatique
Cannelle :
j’en mets parfois dans mes yaourts. Une fois, j’en ai mis sur ma tartine de
ricotta. Je l’avais confondue avec le cumin.
Chicorée
au lait, barbe à papa, clous de girofle, vin chaud, Noël, nouvel an, hiver,
2024.
Il
ne s’arrête plus de pleuvoir. J’ai besoin de soleil. J’ai besoin de vacances.
J’ai besoin de Bali. Fin mars. Début avril. D’ici là je vais tenir. Déjà ce
soir.
Obstacle :
la blague avec l’escargot et le vieux (« et l’escargot vite dans le
bosquet »)
Couvent :
nonne salope nonne salope nonne salope enfant illégitime INRI croix lorraine
Mouche
bouche
The end. Now is time to start
something new.
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