Le cours d'écriture de Marie
Joyce,
mon tout petit, je me réveille pour la première fois sans toi. « Ton
absence dans la forme humaine des oreillers », je me réveille seule,
inconsolable. Cette nuit, je n’ai pas senti ton petit poids sur moi, je ne t’ai
pas prise dans mes bras, je ne t’ai pas caressée, je ne t’ai pas embrassée, nos
corps ne se sont pas frottés l’un contre l’autre tendrement, je n’ai pas entendu
ta petite voix d’oiseau, tu ne m’as pas disputée d’être rentrée tard, tu ne m’as
pas raconté ta journée. La maison était vide sans toi, pleine du souvenir de
toi – toi, regardant par la fenêtre, toi – la tête sur mes genoux dans le
canapé, toi – fainéante, avachie sur le lit.
Avant,
« je te regardais, et je me disais : je l’aime, putain, comme je l’aime.
Je garde ce je l’aime, putain, comme je l’aime. Je garde toutes ces heures où
on ne faisait rien », juste en se regardant, les yeux dans les yeux, ta
tête sur ma poitrine, comme un petit bercé par sa maman. Nous avons toujours
été fusionnelles. Comment peupler ton absence ? Où trouver la tendresse,
le soin, l’amour ? Où retrouver la perfection ? Les courbes de ton
corps, la cambrure de ton dos de gymnaste, la douceur de ta peau, ton naturel,
ta grâce, ma petite princesse, mon petit salami au chocolat, mon petit
saucisson, ma petite pierre précieuse, la prunelle de mes yeux, Joyce, mon tout
petit.
///
J’ouvre à peine la portière que j’entends des sifflements, oh la gazelle, minois, minou, t’es bonne, charmante demoiselle, … les risques de prendre la route seule la nuit quand on est une femme. Jolie. Je ne réagis pas à leurs sollicitations, je suis rigoureusement mon objectif décomposé dans les moindres étapes :
- Fermer la portière
- Faire le tour de la voiture par l’avant
- Mettre ma carte dans la pompe à essence
- Charger le réservoir
- Regarder par terre, surtout regarder par terre, un seul eye contact et t’es foutue, ça suffit pour qu’ils pensent que t’as la dalle
- Remettre la pompe à sa place
- Redémarrer
- Partir.
Je ne
commence à respirer normalement qu’un kilomètre après, dans l’obscurité et l’anonymat
de l’autoroute.
Another
one bites the dust en bande sonore de ce voyage mystérieux sur l’asphalte …
Are you ready? Are you hanging on the
edge of your seat? Freddie Mercury pose toujours les meilleures
questions. Les mots justes.
Hey I’m gonna get you too, Shoot
out. Ce n’est pas qu’une chanson dansante de boîte de nuit. C’est l’histoire
d’un féminicide. Ou d’un crime homophobe. Un meurtre passionnel en tout cas,
que nous, les femmes, partageons avec les homosexuels en tant qu’objet, viande
de boucherie du patriarcat.
Mais
non, rien à voir, tu vois le mal partout, ça parle des mafias criminelles. Sois
plus tolérante avec les hommes, chérie.
Bullshit.
Monde, sois meilleur.
Les
arbres se font plus rares.
J’approche
la ville.
Dans
une demi-heure je serai de retour à la maison, à temps pour aider Paul à
préparer le dîner. Je fignolerai sa tarte aux patates douces comme une bonne
adorable petite femme, fée du logis, délicieuse épouse.
Paul
ne saura pas ce que c’est que de se faire siffler dans une station essence. Al
Capone non plus.
///
3
essais échoués de décrire l’ennui
Weekend
10h30
rdv yoga
Je n’y
vais pas
Je reste
au lit
La faim
me pousse enfin à me lever
Une tartine
au beurre, c’est tout ce que je trouve
Je ne
peux pas faire chauffer de l’eau
La bouilloire
a du tartre
Je retourne
au lit
Mon chat
m’accompagne
Netflix.
Instagram. YouTube.
Netflix.
Je m’endors à nouveau.
Soir.
Deliveroo.
Retour
au lit.
Premier
jour.
Dimanche
10h30
rdv yoga
Je n’y
vais pas
Je reste
au lit
Je sais
qu’il n’y a plus de pain
Me lever :
à quoi bon ?
Netflix.
Instagram. YouTube.
Netflix.
J’oublie la faim.
Je m’endors
à nouveau.
Soir.
Deliveroo.
Bain.
Deux bougies.
Un verre
de martini blanc sans alcool.
Pas d’électricité
ce soir.
Economies.
Ambiance.
Retour
au lit.
Je fixe
le plafond.
Noir.
« Il
est temps de rallumer les étoiles. »
Le
dernier train
« Il
n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous » manqués : je
sais, je suis arrivée trop tard, et tu n’es plus là. Je sais, c’était ma
dernière chance. Je sais, tu me l’avais dit. Il n’y a pas de fatalité, il n’y a
que de l’auto-sabotage : je sais, tu me l’as déjà dit.
Gare
d’Austerlitz, quai n° 3, le TER pour Orléans vient de partir, tu es loin, je
suis seule. Je m’assois. Je regarde en moi, enfin, comme tu me l’as demandé si
souvent. Je n’y trouve rien, rien, nada, si je crie mon écho me répond. Absence
d’intérieur. Un loft très grand, très blanc, très vide. Tu es partie avec tous
les meubles. Désormais, je vais dormir par terre. Je rentrerai bourrée tous les
soirs. Je ne boufferai plus que de pizzas. Je ne penserai pas à toi, à nous, au
passé. Je …
Seule
contre tous ou l’égoïsme bien tempéré
Je ne
vois plus personne : les gens me font chier.
Je ne
fais que ce que je veux, quand je veux, avec qui je veux.
« J’ai
décidé d’être heureuse parce que c’est bon pour la santé. »
Pourtant,
les journées sont longues …
///
Poèmes
1. Il était une fois un monde aux mille soleils
Jusqu’au jour où il n’en restait plus qu’un
Heureusement, c’était le plus puissant de tous
2. Pendant ton sommeil
Se reposent jour et soleil
Et la lune veille
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