Le cours d’écriture de Marie



Sans o, sans air ?
Jadis, au temps des fées, l’univers était réparti en deux : l’air et l’eau. Les habitants de l’air étaient les parachutistes ; les habitants de l’eau les scaphandres. La terre n’était pas née. Les habitants des deux pays ne se mélangeaient jamais, sauf quand les fées – seules créatures capables de traverser la surface de l’eau – les réunissaient annuellement au bal universel. Là, parachutistes et scaphandres prenaient plaisir à visiter leurs différences, à être ensemble dans le partage, le calme et la sérénité. Les fées les regardaient amicalement et veillaient à ce qu’aucun incident n’ait lieu. L’escapade de la Sabine – parachutiste alpha et du David – scaphandre prem’s – 5 ans auparavant avait fait scandale et même si les amants s’étaient éclipsés élégamment depuis – ils demeuraient vifs dans les esprits. Qu’étaient-ils devenus ? Les fées refusaient d’en parler. De telles attitudes, même si pas interdites, n’étaient pas bien vues. Il valait mieux ne pas demander.
Mais cette année la fête était particulière. Peut-être parce que la vie des parachutistes et des scaphandres était devenue de plus en plus dure ces dernières années. L’air et l’eau étaient plus denses : des particules invisibles les envahissaient. Des équipes de chercheurs (les escadrilles « para » et « scaph ») furent créées d’un camp à l’autre dans le but d’identifier les causes de ces attaques aussi infimes que meurtrières. Les particules faisaient mal. Des maladies sans cause évidente apparurent ; parachutistes et scaphandres se disaient faibles et sans vitalité.
L’avenir des peuples de l’air et de l’eau était incertain et les fées, inquiètes, avaient pris peur.  

L’Intro
  1. Je me souviens des mains de mon père venant chercher mes mains pendues entre mes jambes : et paf, renversée, je crie de joie.
  2. Je me souviens de la chaleur prenant petit à petit possession de mon corps sous le soleil du Ladakh, baignée de lumière.
  3. Je me souviens de la première fois que j’ai senti l’odeur de l’herbe fraîchement coupée. J’étais où déjà ?
  4. Je me souviens des beuveries : une gorgée de vodka, une gorgée de bière. Festina lente.
  5. Je me souviens du premier baiser. Que j’ai volé. Moi.
  6. Je me souviens d’une nuit dévergondée chez les frères.
  7. Je me souviens du premier coucher de soleil à Palerme.
  8. Je me souviens de mon arrivée en France : la poignée de mon bagage de 30 kilos cassée.

L’Histoire 1.
Le plus grand amour de ma vie c’est mon père. Mes premiers souvenirs sont de lui :
  • Je monte et je descends et je le regarde dans les yeux et je me sens en sécurité ; je suis bébé, couchée sur mon petit ventre sur son gros ventre ; lui, allongé sur le dos, respire : il prend une grande inspiration, puis vide ses poumons jusqu’au dernier souffle ; c’est tout ce qu’il fait : respirer ; c’est tout ce dont j’ai besoin pour l’aimer : qu’il existe ; c’est lui mon premier amour inconditionnel.
  • J’écarte les jambes, je baisse la tête, je laisse pendre les mains ; les mains de mon père viennent chercher les miennes et paf, renversée, je crie de joie. Papa est debout et moi sur le lit moelleux ; je sais qu’il n’y a aucun risque que je me blesse ; la notion de peur n’existe pas encore dans ma tête.
  • Papa est assis et je monte debout sur ses genoux, aidée par ses mains qui me soutiennent, puis je lui tourne le dos, lui - tend les jambes et je me laisse glisser vers le bas comme sur un tobogan.
  • Papa me lit des histoires au coucher. Des histoires de résistance politique cachées dans des histoires pour enfants. Des histoires d’originaux créatifs. Sa face cachée.
  • Papa m’invente des histoires au réveil. Son jeune lui est le personnage principal ; il lui arrive malheur mais il trouve les ressources pour s’en sortir. Comme dans le bus, quand son méchant camarade de classe lui pique son billet et le montre au contrôleur comme si c’était le sien. Mon mini-père, sans billet, explique la situation au contrôleur qui se renseigne sur l’historique du méchant camarade et choisit de croire à l’honnêteté de mon mini-père. Le méchant camarade se fait arrêter. En racontant, papa me fait avaler mon petit déjeuner : du lait chaud au chocolat avec des biscuits. D’habitude je refuse de manger.
  • On court dans la rue en jouant au chat.

C’est à papa que je demande tout ce que je ne comprends pas ; papa partage ce qu’il sait mais ne prétend pas détenir la vérité absolue ; papa se montre avec ses limites : ses complexes, ses peurs, qu’il nomme et qu’il espère que je ne vais pas connaître à mon tour.
Papa me fait des bisous sur le nez. C’est notre nez à nous. Maman n’a pas le même. Bébé, je pleure quand papa, malade contagieux, ne me fait pas de bisou sur le nez. Les dernières années, il pue de plus en plus de la gueule, mais je ne lui dis rien, je continue à tirer plus de tendresse de ce geste, notre geste à nous, qu’à nous deux, que d’inconfort.
Papa a des champignons aux ongles des pieds et j’en ai aussi. Papa a une mauvaise estime de soi et j’en ai aussi : il procrastine au boulot, il laisse tout au dernier moment, il a peur d’oser désirer faire autre chose ou faire plus, il ne se fait pas confiance et il est paralysé par la peur d’échouer. Et moi pareil.

Ma fidélité pour mon père est totale.
Dans mes amours, c’est lui que je cherche.

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